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VALSE DE L'OBJECTITÉ
(OBJECTHOOD WALTZ)
2020, VICTOR IMBEAU, ASSEMBLAGE, panneaux de lauan, robot autonome sur roues, arduino, capteurs ultrasoniques

“A minimalist work reveals itself through time and space, as the spectator uses both to move around it.” (Voorhies, 2017) (p.25) 

Cette citation représente la fondation sur laquelle se base mon projet. J’entretiens un intérêt particulier pour le travail minimaliste des années 60, ce qu’il représentait et ce qu’il représente aujourd’hui. Dans un effort de consolidation de mes apprentissages et connaissances sur le sujet du minimalisme, j’ai donc décidé de créer une œuvre minimaliste remise à jour selon ma propre perspective. 

Dans l’essai Art and objecthood (1967) de Michael Freid, celui-ci dénote plusieurs caractéristiques particulières au minimalisme ou absentes de ce dernier. Il y parle entre autres des concepts de théatralité, d’objectité ou “ objecthood” ainsi que de la présence versus le “presentness”. 

Il argumente que le fait qu’une œuvre minimaliste dépende du temps, de l’espace, et surtout, d’un spectateur la rapproche de l’état du théâtre. La dépendance de l’œuvre à un contexte amène quelque chose de nouveau dans l’appréciation de l’art. L’expérience de l’œuvre est maintenant centrale à la compréhension du travail minimaliste. L’œuvre n’est plus appréciable pour ses qualités intrinsèques, mais uniquement par son contexte. C’est donc une relation entre le spectateur et l’objet, toujours en évolution, qui est au centre de l’œuvre. 

L’objectité est l’ensemble des qualités qui constituent le fait d’être un objet. Fried critique particulièrement les minimalistes d’assumer l’objectité dans leur travail. Les formes étant extrêmement austères, dépourvues de personnalité, dépourvues d’expressivité et manufacturées ne présentent aucun intérêt esthétique. De ce fait, l’œuvre ne contient aucun sens intrinsèque et est donc dépourvue de ce qu’il qualifie de “presentness”. Le “presentness” est tout simplement la qualité d’être totalement indépendant de son environnement tout en conservant le sens qu’on a décidé de lui accorder à sa création. Le travail minimaliste, assumant son objectité est donc entièrement dépendant de son contexte, et lorsque l’on sort l’œuvre de ce contexte, elle perd tout son sens. Elles n’ont donc pas ce “presentness”, mais plutôt une présence. La présence quant à elle est entièrement dépendante du contexte. 

Mon projet s’articule donc autour de ces concepts. Je voulais dynamiser l’expérience d’une œuvre minimaliste. Je trouve que la relation créée entre l’objet et le spectateur est particulièrement intéressante. Par contre, je trouve que cette relation est aussi particulièrement unilatérale. On parle de présence, de théâtralité, de relation, toutes choses qui m’intéressent particulièrement dans mon désir actuel de rejoindre un spectateur non-initié à l’art, mais on parle de tout ça en faisant référence à un objet inanimé qui n’engage pas systématiquement ce genre de réflexions chez le spectateur. Le fait que l’objet soit figé sur place vient certainement renforcir son objectité, mais je crois qu’il y ait moyen de déplacer l’objet sans toutefois l’empêcher d’assumer ses qualités d’objet. En faisant déplacer un objet minimaliste dans l’espace, je dynamiserais la relation entre le spectateur et l’objet. Ces déplacements viendraient mettre drastiquement en évidence la présence de cet objet dans l’espace et le rendrait encore plus contextuellement dépendant, à la fois à son espace, à la fois au spectateur. Cette supposition est vraie pour le spectateur aussi. Par le déplacement de l’objet, le spectateur se voit en constante réévaluation de sa propre position dans l’espace et par rapport à l’objet, mettant en évidence sa propre position dépendante de la position de l’objet. De plus, aucun spectateur ne pourrait expérimenter la relation de la même façon, renforcissant aussi l’absence de “presentness” de l’objet. 

À la suite de mes réflexions sur l’expérience de l’œuvre minimale, pour consolider ma compréhension du sujet et me l’approprier, je me permets donc de remanipuler la citation qui a guidée ma réflexion ainsi : 

A spectator reveals itself through time and space, as the minimalist work uses both to move around it.

Le but final de mon projet est donc de proposer un changement de perspective dans lequel le spectateur est objet, l’objet est spectateur et vice-versa. Une sorte de valse de l’objectité. 

 

Freid, M. (1998). Art and objecthood : Essays and reviews. Chicago et Londres: The University of Chicago Press.

Voorhies, J. (2017). Beyond objecthood : The exhibition as a critical form since 1968. Cambridge, Massachusetts: The MIT press.

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